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Le système français dans le collimateur :
Le 8 Novembre dernier paraissait dans Nature un article de fond sur la situation « bizarre » des jeunes scientifiques francais (les fameux postdocs) en quète de poste de chercheurs. Il existe donc une exception culturelle dans le domaine de la recherche. Le point de vue très critique sur le système de recrutement des étudiants-chercheurs a eu l'avantage de mettre le feu aux poudres et de lancer le débat qui anime la revue depuis, à travers divers courriers.
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Le feuilleton du jour :
L'article qui lança le débat s'intitule « Young, gifted... and spurned » (Nature 414, 145; 2001) que je traduirais par « Jeune, doué... et viré ». Le point de vue du correspondant français de la revue s'appuie sur un cas particulier, il nous parle d'une jeune française, docteur, qui ne trouve pas de financement pour faire un postdoc en France. L'auteur développe ensuite en décrivant le système postdoctoral ainsi que celui du recrutement des chercheurs. L'état des lieux est le suivant :
- entre la thèse et le recrutement dans les universités ou dans la recherche publique, il n'y a rien. En effet, il n'y a pas de système public de financement postdoctoral en France (quelques bourses permettent l'accueil d'étudiants d'autres pays) ; à l'étranger, on peut aller de bourse en bourse et faire 10 ans de postdoc. Nombre de jeunes français partent donc en exil ;
- une telle situation oriente le recrutement des chercheurs, un labo ne recrute donc pas dans les étudiants en postdoc (puisqu'il n'y en a quasiment pas), il s'oriente plutôt vers les docteurs formés chez lui (qui ont pu faire un an ou deux aux États-unis par exemple) ;
- cette singularité est d'autant plus mise en avant que 40% des chercheurs en poste vont partir à la retraite dans les dix prochaines années. Pour remédier à cela des organismes publiques (l'Inserm notamment) montent leur propre système de financement postdoctoral afin d'assurer un recrutement de qualité dans l'avenir ;
- à l'étranger, le recrutement se fait dans le vivier des postdocs. Entre leur thèse et un poste de chercheur, ils ont pu s'aguerrir et montrer leur capacité à être autonome.
Les réactions ont fleuri dans la « correspondance » (en francais, le courrier
des lecteurs), le 6 décembre, le 3 janvier, le 17 janvier... j'attends la semaine
prochaine avec impatience. Je ne détaillerai pas les points de vue développés,
qui ne sont pas toujours très pertinents (ceci n'engage que moi). On peut les
résumer ainsi : le système français a l'avantage de ne pas envoyer les étudiants
vers une voie de garage postdoctorale pour finir sans poste à la clé ;
l'inconvénient est évident, c'est tout de suite (après la thèse) ou jamais,
alors que certains peuvent se révéler plus tard.
- Mon avis :
je n'écris pas dans Nature, vous avez donc la primeur de mes
réflexions.
On peut regretter qu'en France (j'évite de dire « ce pays », ca fait vraiment trop réac), il n'existe pas de système postdoctoral officiel, au moins pour recruter des étrangers. Il ne faut pas verser vers trop de flexibilité qui permettrait d'exploiter des postdocs pour les remercier à 35 ans. On pourrait imaginer une solution intermédiaire, ce n'est visiblement pas ce que retient le CNRS qui vient de figer l'âge limite de recrutement, il pousse ainsi les étudiants à candidater jeune.
Mon point de vue est simple, je pense qu'il faut recruter jeune plutôt que de fabriquer des CDD, qui mèment à mon avis à une dérive inévitable. Je crois que l'on peut juger la valeur d'un candidat sur la base de sa thèse. En plus, aller à l'étranger, cela peut très bien se faire en tant que chercheur en poste en France. En définitive, j'ai une grande méfiance face à un système postdoctoral, qui peut apparaître comme une passerelle alors que c'est une voie sans issue. En France, un an ou deux de postdoc à l'étranger ou en poste temporaire dans les universités, c'est suffisant, aller au delà n'apporte à mon avis pas grand-chose. Peut-être changerai-je d'avis lorsque je serais moi-même face à une telle situation ...
Petite Note
* Postdoc :
en voila un mot étrange ! Pourtant, la réponse est dans la question, on désigne par postdoc, un étudiant qui a fini sa thèse (qui a donc le titre de
docteur) mais qui n'est pas encore chercheur ou professeur. C'est un statut bien à part, qui peut durer deux ou trois ans, souvent plus. Le financement vient de bourses (comme pour la thèse) réservées, l'étudiant doit souvent alors prouver qu'il est capable d'être autonome. Trivialement, on peut voir ca comme un CDD, une mise à l'épreuve avant un CDI, vers un poste permanent. Il faut souligner son caractère international, souvent les étudiants s'expatrient pour acquérir un expérience à l'étranger, ils peuvent ensuite revenir au pays ou rester en exil pour postuler.
* Docteur :
« personne qui a obtenu un doctorat », voila la définition du petit Larousse. On a faussement l'impression que docteur désigne nécessairement un médecin, l'appellation est plus générale que cela. Lorsqu'après sa thèse, on obtient son diplôme, on a alors le titre de docteur. Pour faire classe, on rajoute « ès » et on peut dire « docteur ès lettres » ou « docteur ès sciences ».
* 40% des chercheurs :
ce phénomène est totalement lié au
baby-boom d'après-guerre : en effet vers la fin des années soixante, le nombre d'étudiant a littéralement explosé dans les universités. Pour pallier cela, le recrutement des enseignants-chercheurs a été massif : c'est bien cette classe d'âge qui va bientôt partir à la retraite.
Références :
Thierry CHANELIERE
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