La fission nucléaire
entre fantasmes et réalités...
1ère partie ...
-
Un mot aux résonances profondes : NUCLEAIRE
S'il y a bien un mot que l'on ne peut plus évoquer depuis un siècle sans indifférence, c'est celui là : NUCLÉAIRE !
Dès lors que vous le prononcez, tout individu ou presque, a une opinion sur le sujet : parfois enthousiaste, souvent négative. Intéressons-nous aux derniers d'entre ces individus, ceux pour qui le mot nucléaire évoque en vrac bombe nucléaire, rayonnement mortel, mutation génétique, destruction de la planète et j'en passe...
Outre le fait que ces évocations ne sont qu'une succession de fantasmes
d'apocalypse, que vais-je pouvoir raconter dans cette tribune qui va leur
donner une vision plus positive de ce mot ? Pas grand chose à vrai
dire ! ...ou plutôt pas tout de suite, je réserve ça pour
la troisième tribune, celle de février qui s'efforcera de montrer
les aspects enthousiasmants que cache ce mot nucléaire.
Avant de revenir plus en détail sur le sujet de la tribune, à savoir le phénomène de fission nucléaire utilisé depuis plus d'un demi-siècle par l'homme et qui pose des problèmes d'ordre politique, militaire, économique et sociaux depuis autant de temps, avant de s'intéresser à cela donc, évacuons d'emblée les faux discours :
- Oui l'énergie nucléaire est dangereuse.
- Oui la bombe atomique qui découle de l'exploitation du phénomène de fission nucléaire est une arme apocalyptique (mais si l'on va plus loin, le vrai problème ne se situe-t-il pas sur l'existence d'armes en général plutôt que sur l'existence d'une arme nucléaire ? Y aurait-il des armes plus propres que d'autres ? Laissez moi en douter !.
- Oui nous sommes exposés à l'explosion d'une de ses armes à des fins terroristes ou de tout état qui deviendrait mégalomaniaque. Oui enfin, des accidents comme celui de Tchernobyl dans une centrale nucléaire civile peuvent arriver demain comme hier (c'était en 1986). Déjà loin pour les plus jeunes mais nul doute que tous en avez déjà entendu parler.
En revanche, après ce triste constat, je puis tout de même vous dire 3 choses :
- La première, que les scientifiques sont loin d'être les seuls responsables de l'existence de la bombe atomique (ce n'est pas parce que vous avez un couteau dans les mains, au demeurant fort utile pour couper le steak trop dur que vous a vendu votre boucher, que vous êtes obligé de le planter dans le ventre de votre voisin).
- La deuxième, qu'il est inévitable que la production de quantités d'énergie équivalentes à celles que nos sociétés consomment ne peut se faire sans grands dangers et ce quel que soit le mode de production d'énergie (la récente explosion de l'usine AZF à Toulouse nous donne une petite idée de ce que pourrait être l'explosion d'une raffinerie ou d'une centrale thermique fonctionnant au pétrole.).
- La troisième enfin, qu'il est indispensable qu'il y ait un réveil des consciences citoyennes sur ce sujet. Le secret entretenu depuis près de 50 ans dans ce domaine a donné une image désastreuse de la filière nucléaire et ce qui est plus grave encore c'est que cette vision désastreuse n'est pas fondée sur des arguments recevables. Il y a lieu de s'inquiéter sur la situation actuelle, certes mais pas forcément sur les points sur lesquels insistent un peu démagogiquement les associations antinucléaires depuis 20 ans (Greenpeace notamment). Le but de cette tribune est de recadrer le débat du nucléaire à l'aide d'arguments prenant en compte tous les points de vue et toutes les réalités. Il est indispensable que chaque citoyen fasse un effort de réflexion sur le problème énergétique en général et nucléaire en particuliers. Attention, j'ai bien parlé de réflexion. Il s'agit de faire l'effort de mettre de côté les mythes (nombreux concernant le nucléaire), les idéologies (le "tout nucléaire" comme le "les énergies nouvelles nous sortirons de l'apocalypse nucléaire") et les arguments non fondés sur des faits avérés, laissant la part belle à la rumeur ou à la désinformation.
Pour résumer : arrêtons de nous faire prendre pour des idiots et réflechissons calmement : l'avenir de nos sociétés en a bien besoin...
- Petit historique
Nous allons faire un rapide tour d'horizon des étapes marquantes de la découverte scientifique de l'énergie nucléaire et des processus de prise de décisions politiques qui s'en sont suivi. Cela nous permettra de bien comprendre dans la suite l'enchaînement des événements qui nous ont amenés au discrédit actuel de l'énergie nucléaire.
- 1895-1898 : Röntgen (allemand), Becquerel, Pierre et Marie Curie (France) découvre le phénomène de radioactivité.
- 1911: Rutherford démontre l'existence du noyau de l'atome, montrant ainsi que l'atome n'est pas indivisible comme on le croyait jusqu'alors. Le mot nucléaire a directement rapport au noyau de l'atome : c'est le coeur du problème.
- 1932: Chadwick découvre l'existence du neutron, un des constituants du noyau et qui sera à l'origine de la réaction de fission de l'uranium dans nos centrale nucléaires.
- 1939: année très riche en événements, tant politique (c'est le début de la deuxième guerre mondiale) que scientifique (l'un expliquant l'autre !)
Au début de l'année, Hahn et Staussmann observent et interprète pour la première fois le phénomène de fission d'un noyau d'uranium sous l'impact d'un neutron.
Dans le courant de l'année, les Français Joliot-Curie et l'italien Fermi (qui travaille aux états unis) ainsi que leur laboratoire respectif étudie de près le phénomène de fission et entrevoit les possibilités de réaction en chaîne et par conséquent les futures applications civiles et militaires. 3 brevets en ce sens sont déposés à la fin de l'année.
Le 2 août 1939, Albert Einstein signe une lettre lourde de conséquence adressée au président Roosvelt, l'informant des intentions de l’Allemagne hitlérienne de fabriquer une bombe atomique (nucléaire devrait-on dire !)Sans être la seule raison (loin s'en faut) de la construction par les Américains d'une telle bombe, cette lettre est un des actes fondateurs qui ont mené au projet Manhattan
- 1941: mise en place du projet Manhattan dirigé par Oppenheimer et dont le but est la construction d'une bombe nucléaire.
- 1942: réalisation du premier réacteur nucléaire par Fermi à Chigago avec obtention du seuil critique (stade où la réaction de fission s'entretient elle-même sans que l'on ait à intervenir)
- 1944: au milieu de l'année, les Américains disposent de 3 bombes nucléaires.
- 1945: le 6 et le 9 août, 2 bombes sont lâchées sur des villes japonaises : Hiroshima et Nagasaki. Pour information, les plus récentes analyses géopolitiques avancent que ces bombes nucléaires étaient inutiles pour la capitulation du Japon mais auraient davantage servi à impressionner les Soviétiques et à freiner leurs conquêtes d'après guerre en Asie. Ces bombes ont signé le début de la guerre froide, période à la politique si désastreuse que l'on en ressent largement les conséquences aujourd'hui encore, particulièrement dans ce domaine. Nous en reparlerons plus loin quand nous aborderons le retraitement des déchets nucléaires.
- 1948: mise au point du 1er réacteur civil français, la "pile Zoé"
- 1969:
- Pour des raisons de sécurité et de coûts, la France choisit de racheter la technologie américaine des réacteurs nucléaires (les REP : Réacteurs à Eau sous Pression). ce sont encore ces réacteurs qui constituent la quasi totalité du parc actuel
- La France commence à étudier l'utilisation possible du Plutonium (élément radioactif et non naturel) produit dans le coeur des centrales comme futur combustible. L'uranium permet en effet de ne plus dépendre des pays producteurs de pétrole mais ne résout pas le problème de l'épuisement de ce combustible 50 ou 60 ans après. Conclusion : l'uranium est loin d'être une solution miracle comme on le voit... La France suit en ce sens l'ensemble des états "nucléaires" de l'époque.
- 1973: 1ère crise pétrolière et décision de la France de réduire sa dépendance énergétique vis à vis de l'extérieur en développant la filière nucléaire 16 réacteurs dans un 1er temps, puis 20 supplémentaires sont commandés.
- 1977: la France veut voir loin ! La promotion d'une nouvelle génération de réacteurs est lancée avec la création sans concertation avec l'opinion de la centrale expérimentale de Superphénix qui déchaînera les passions pendant plus de 20 ans. Ces réacteurs sont dits "à neutrons rapides" et permettant d'exploiter l'uranium 238 (inutilisé dans les autres centrales) en les transformant en plutonium : on les appelle aussi <b<surgénérateurs.
C'est à ce stade que se situe la plus grosse erreur des décideurs politiques de l'époque : croire qu'une idée révolutionnaire, celle de l'utilisation pacifique et intelligente des ressources de matières fissiles pouvait être imposée à l'opinion publique sans débat ou explication sous pretexte qu'elle était séduisante sur le plan de l'indépendance énergétique et sur le plan technologique. Cette idée, abandonnée aujourd'hui (nous en reparlerons) reste pourtant une des rares voie de sortie à long terme si l'on considère que les 6 milliards d'être humains souhaiteront demain connaître le même confort que nous et s'abandonner à oublier d'éteindre une lampe...
- 1984: La France est passée d'une dépendance énergétique de 76% en 1970 à une dépendance de moins de 15 % dans les années 80, à l'aide de la filière nucléaire.
- 1986: accident majeur à Tchernobyl (niveau 7, maximum sur l'échelle des accidents nucléaires)avec l'explosion d'un réacteur et la dissémination dans l’atmosphère de poussières radioactive. Une politique d'information opaque à l'époque nous empêche de véritablement comprendre que toute l’Europe et la France en particulier sont touchées par cette contamination radioactive. Nouveau secret sur le nucléaire qui signe dans l'opinion publique un ras le bol du nucléaire. La bombe, les essais nucléaires dans le pacifique, la non-considération d'autres voies énergétiques que le nucléaire pendant 20 ans et enfin Tchernobyl, autant de raisons qui donnent une écoute accrue aux organisations antinucléaires. Cette situation ne manque pas de remplacer des mensonges par d'autres : Greenpeace et d'autres oublient d'être lucide sur ce qu'est le nucléaire, c'est à dire tout sauf l'apocalypse que l'on nous annonce.
- 1991: Promulgation d'une loi visant à étudier pendant 15 ans les options dont dispose la communauté scientifique et industrielle concernant la gestion ou le retraitement des déchets nucléaires. Une décision définitive sera prise en 2006 sur le devenir de ces déchets.
- 1997: les événements précités font capituler les partisans du nucléaire, Superphénix est fermé en fin de cette année, hypothéquant un peu plus les chances de pouvoir retraiter les déchets nucléaires produits par les centrales actuelles... Bravo ! Nous allons les enterrer, ou mieux les garder à la surface et les surveiller pendant 2 millions d'années pour que personne n'y touche le temps qu'ils deviennent inoffensifs. Riche idée ! Etre responsable face à l'histoire, c'est aussi être courageux et assumer les erreurs du passé (les tonnes de déchets nucléaires en sont une de taille) et ne pas laisser le soin aux générations futures de gérer ces déchets. On cherche désormais à nous faire croire que l'erreur était de se lancer dans le nucléaire alors que l'erreur était de se lancer à ce point dans la fission nucléaire sans réfléchir à ce que l'on ferait des déchets... Il y a une nuance de taille. Refuser le nucléaire, c'était refuser le progrès et c'est la voie dans laquelle on nous convie à nous diriger.
- Pourquoi un tel engouement pour le nucléaire chez les scientifiques ?
Dans le discours d'un bon nombre de scientifiques, vous trouverez une part, si ce n'est de fascination au moins de reconnaissance claire des possibilités sans précédent de la filière nucléaire de production d'énergie. Alors que penser quand on a une formation scientifique encore restreinte ? Doit-on penser que la communauté scientifique est un immense rassemblement de savants fous, d'apprentis sorcier comme on l'entend parfois ? Ce serait oublier de reconnaître bien des mérites à cette communauté qui fait preuve le plus souvent d'une honnêteté intellectuelle (indissociable de la façon de faire des sciences...)que l'on aimerait retrouver dans bon nombre de milieux à commencer par le milieu économique, financier et politique. Ce serait oublier à qui l'on doit les progrès qui ont conduit à notre confort de vie actuel.
Doit-on alors penser que sans être des apprentis sorciers, ils mésestiment le risque ? Je ne le crois pas. En tout cas il est possible de soutenir le nucléaire tout en donnant largement raison à Rabelais qui affirmait :"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"
Sans les scientifiques, pas de bombes, certes mais cela ne veut pas dire qu'ils sont responsables de toutes les utilisations déraisonnables de la science. Bien sûr un certain nombre de scientifiques ont accepté de collaborer avec des militaires, des chefs d'états sur ce genre de projet mais on oublie trop facilement le grand nombre de scientifiques qui ont tout fait (jusqu'à ruiner leur "carrière" scientifique) pour faire prendre conscience au monde de la nécessité d'un contrôle mondial de cette découverte surpuissante. Citons F. Joliot Curie, Einstein, Russel, coauteurs d'un appel en 1955 sur l'interdiction de l'arme atomique. Ce même Joliot-Curie (président du CEA, organisme crée après guerre pour rattraper le retard français dans les recherches nucléaires) avait déclaré quelques années plus tôt :" Si demain le gouvernement français nous demandait d'orienter nos travaux vers un but de destruction, nous répondrions non ! ". C'est ce qu'il fit !
Citons le encore une fois pour montrer que la communauté scientifique est une communauté de pensée globalement indépendante et qui s'efforce d'avoir la plus grande conscience morale possible et qu'à ce titre il serait bon de l'écouter :" Les scientifiques, disait Joliot-Curie, acquièrent chaque jour de plus en plus le sens de leur responsabilité sociale. Comme je l'ai déjà dit maintes fois, les scientifiques ne doivent pas être les complices de ceux qu'une mauvais organisation sociale laisse exploiter les résultats de leurs travaux à des fins égoïstes et malfaisantes ".
Alors pourquoi diable tant soutiennent-ils encore la filière nucléaire de production d'énergie après les accidents de Tchernobyl et le consensus des associations écologistes sur l'échec du retraitement des déchets nucléaires ?
La raison est sans doute à chercher dans le fait que l'énergie nucléaire est une découverte fondamentale quant aux possibilités de la nature de stocker de l'énergie.
Un petit retour sur les raisons de cet enthousiasme envers les possibilités du noyau de l'atome s'impose. Nous parlerons des difficultés (hélas réelles) à mettre en pratique cet enthousiasme dans la suite de cette tribune.
Sans refaire ici un cours sur la fission nucléaire (qui n'est pas la vocation de cette tribune. Je vous renvois pour cela aux références citées à la fin de cette tribune et disponibles au CDI), faisons quelques rappels indispensables.
Un atome est constitué d'un noyau (de taille voisine de 10-15 m) et d'un nuage électronique (de taille voisine de 10-10 m). Le noyau bien que beaucoup plus petit que l'atome concentre la majeure partie de sa masse du fait de la présence des nucléons (protons et neutrons).
Ces nucléons sont liés entre eux par des forces dites nucléaires" de très grande intensité au sein du noyau. Si l'on souhaite briser ces liaisons entre nucléons, il est nécessaire de fournir une certaine quantité d'énergie. Cela revient à dire que les nucléons liés entre eux ont stocké de l'énergie (que nous allons chercher à récupérer) que l'on appelle énergie de liaison (nommée El dans la suite).
Cette idée n'est pas très nouvelle, les électrons liés au noyau stockent de la même façon de l'énergie (bien que ce soit du à un autre type de force que la force nucléaire puisque nous somme là hors du noyau). L'astuce est là : l'énergie de liaison entre nucléons est beaucoup plus grande que celle qui lie l'électron au noyau : El(électron-noyau) = 100 kJ/mol alors que El (nucléon-nucléon) = 100 000 kJ/mol soit El(nucléon-nucléon) = 1000.El(électron-noyau).
Voilà donc la raison fondamentale de cet engouement : l'énergie stockée dans le noyau est considérablement plus grande que celle stockée dans les liaisons chimiques qui est celle récupérée dans les actuelles centrales à pétrole, gaz ou charbon. Si l'on regarde les ordres de grandeurs des énergies mises en jeu, on comprend que cette énergie constitue pour l'humanité actuelle une découverte semblable à celle du feu à l'âge des cavernes. Hors la pleine acceptation de ce genre de découvertes (cruciales pour le sort de l'humanité) et des risques qu'elles comportent indiscutablement, ne va pas sans controverse. Il faut lire à tout prix sur ce sujet l'excellent livre de Roy Lewis pourquoi j'ai mangé mon père qui traite justement des difficultés supposées qu'ont eu les hommes des cavernes à accepter le feu, vecteur de risques, dans leur environnement quotidien. Dans ce roman, les plus farouches opposants de la domestication du feu sont les premiers à venir se réchauffer autour... No comment !
Revenons à nos moutons : l'idée simple au départ est de récupérer cette énergie stockée dans le noyau, c'est ce qui est fait dans une centrale nucléaire à l'aide du phénomène de fission de noyaux d'atomes lourds comme l'uranium.
La fission de l'uranium consiste en fait à briser en plusieurs morceaux le noyau de cet atome. Le problème c'est que jusque là, c'est nous qui devons fournir de l'énergie pour casser les liaisons entre nucléons. Où récupère-t-on l'énergie alors ? En fait les noyaux des atomes que l'on connaît ne sont pas tous aussi stables : certains se brisent plus facilement que d'autres (les plus gros notamment). Cela revient à dire que les nucléons ne sont pas tous liés aussi solidement en fonction du noyau où ils se trouvent : ce qu'il importe finalement de regarder est l'énergie de liaison par nucléon, plus faible dans le noyau d'uranium que dans les noyaux issus de sa fission. Ainsi, on fournit de l'énergie pour briser le noyau d'uranium mais on en récupère après la fission grâce à des liaisons plus solides entre nucléons qui en résulte.
Et comment casse-t-on les noyaux d'uranium ? En envoyant sur lui un neutron à assez grande vitesse (2 ou 3 km/s. C'est peu en réalité pour un neutron! Ce neutron devra posséder suffisamment d'énergie pour briser des liaisons dans le noyau de l'uranium). Mais attention comme la nature ne nous facilite pas la tâche, il ne suffit pas que le neutron aille à toute vitesse : s'il va trop lentement la fission ne se fera pas car il ne pourra alors être capturé par le noyau à fissionner, s'il va trop vite non plus ! Il faut adapter la vitesse des neutrons en fonction du noyau que l'on veut fissionner (c'est ce que l'on appelle la phase de modération. C'est l'isotope 235 de l'uranium qui fissionne dans les centrales actuelles sous l'effet de la capture d'un neutron "thermique"
Après fission, on récupère plusieurs noyaux d'atomes, plus petits et heureux hasard, des neutrons ! En moyenne 2,4 neutrons par fission Et là où cela devient intéressant c'est que l'on récupère plus de neutrons que l'on en a utilisé pour fissionner le noyau : ces neutrons vont pouvoir alors servir, une fois qu'ils auront ralenti jusqu'à atteindre une vitesse "convenable" à fissionner d'autres noyaux sans que l'on ait à intervenir et donc à fournir de l'énergie.
Lorsque la réaction dégage plus de neutrons qu'il n'en a été nécessaire pour amorcer le processus de fission, on a alors atteint ce que l'on appelle le seuil critique (ou seuil de criticité) de la réaction. Le pari est gagné, on peut espérer récupère plus d'énergie que l'on en a consommé !
Si cette divergence est incontrôlée on obtient une bombe (cas ou une fission engendre au moins 2 autres fissions qui a leur tour en engendre 4 puis 16, 32, 64... ). Si l'on s'est débrouillé pour libérer cette énergie dans un temps très court (10-9s), on a ainsi obtenu une arme dévastatrice.
Si cette divergence est contrôlée, on en fait une centrale nucléaire. Nous reviendrons dans un des paragraphes de cette tribune sur la façon dont on contrôle cette réaction.
- Le discours des "antinucléaires" est-il aussi transparent que cela ?
Voilà résumé les raisons qu'ont les scientifiques et les autres (car ce problème touche tout citoyen du monde) de s'enthousiasmer sur l'énergie nucléaire : c'est la plus formidable source d'énergie que l'univers connaisse : n'oublions pas au passage que c'est aussi cette énergie contenue dans les noyaux d'atomes qui est dégagé par une étoile, à commencer par la notre, le soleil ! (Par un processus, certes différent de la fission de noyau, nous y reviendrons dans la tribune de février 2002)
Evidemment des erreurs ont été faites et de gros problèmes restent à résoudre et c'est l'une des raisons (pas la seule) qui fait que cette énergie attire les foudres de multiples organisations écologistes.
Il va de soi que ce contre pouvoir démocratique est indispensable et qu'il est fort utile que ces organisations existent pour forcer ou encourager les décideurs politiques à prendre des mesures de précautions pour les populations et leur environnement. On leur doit sans doute la prise de conscience d'une part de l'opinion publique des problèmes qui menacent notre survie sur la terre. Cela ne doit pas nous faire oublier pour autant que ces mêmes organisations, aux intentions louables, nous prennent pour de sombres idiots depuis 20 ans comme nous ont pris pour des idiots tous les chantres de l'énergie nucléaire qui ont pris des décisions sans débat démocratique dans les années 1970.
je l'ai dit, le but de cette tribune est d'analyser rationnellement cette filière énergétique, sans idéologie et en prenant en compte tous les faits y compris les plus désastreux concernant l'énergie nucléaire. Et c'est justement ce que ne font pas, loin de là, ces organisations écologistes. Elles utilisent les mêmes armes (à savoir la désinformation et l'émotion publique)que les gens qu'elles prétendent combattre et qui ont maintenu un secret qui n'avait pas lieu d’être autour de cette énergie colossale.
Que l'on se batte démocratiquement pour des idées, je le conçois et l'encourage, que l'on me trompe en me donnant de faux arguments, je ne peux l'accepter.
Premièrement, il y a tromperie sur le vocabulaire utilisé. On parle d'énergies "nouvelles", ça fait positif et ça renvoie une image passéiste de la communauté scientifique, ce qui est tout de même un comble. Sous entendu, les scientifiques actuels ne se préoccuperaient que d'énergies dépassées, qu'ils ne feraient donc pas le bon choix. Mais on me trompe là !
"Nouvelle" l'énergie éolienne utilisée depuis des siècles par les moulins à vent ? "Nouvelle" l'énergie hydraulique utilisée depuis des siècles par des moulins à eau cette fois ? "Nouvelle" l'énergie solaire qui chauffe l'humanité depuis 6 millions d'années et qui permet à ses cultures de pousser ? Si il y a bien une énergie qui est nouvelle, au sens où l'homme ne l'avait jamais rencontré directement et encore moins utilisée auparavant, c'est bien l'énergie nucléaire dont on parle.
"Oui, d'accord mais ces énergies sont propres !". Là encore on me trompe, qu'est ce que ça veut dire "propre" ? Qu'il n'y a pas de papiers gras par terre ? Et que fait-on des problèmes de pollution sonore et la pollution visuelle qu'engendreraient des hectares entiers de moulins à vent avec des hélices de 30 m de haut... parce que c'est ça que l'on veut nous vendre comme miraculeux. Et encore, couvrez la surface de la terre d'éoliennes et vous ne fournirez pas l'énergie qui est actuellement nécessaires à nos sociétés. Propre l'hydraulique ? Pas plus. Pour produire l'équivalent d'une ou deux centrales nucléaires, il faut noyer des vallées entières et bouleverser le climat local à moyen terme.
Rien n'empêche cependant de reconnaître l'utilité de tels moyens de productions d'électricité comme moyens complémentaires ou bien adapté à certaine situation (isolement d'une île par ailleurs exposée aux vents marins.
Il n'y a bien que l'énergie solaire qui soit propre dans tout ça. Le problème c'est qu'il faut encore que son exploitation, elle, soit "propre" et rentable pour que des industriels s'y intéressent et ça ce n'est pas encore le cas (J'y reviendrai dans une future tribune). En effet, soyons bien conscient qu'il n'est pas suffisant qu'une source d'énergie soit non polluante en soi(comme la lumière du soleil qui nous permet de vivre chaque jour) pour que les processus industriels qui visent à l'exploiter soient non polluants. Si par exemple une entreprise fabricant des panneaux solaires pollue l'environnement par ses modes de production, peut-on encore considérer que l'électricité produite par ces panneaux sera "propre" ? Et c'est bien le cas pour toute exploitation industrielle de masse : les déchets et autres désagréments du nucléaire ne constituent pas un fait propre à la filière nucléaire.
Enfin le mot "naturel" est employé à tort et à travers dans le but de nous faire avaler que ce qui est naturel serait bon et que ce qui est le produit de l'intelligence de l'homme ne le serait pas . Mais c'est aberrant tout ça. La mort est naturelle ! Mieux encore , la radioactivité est naturelle et c'est même précisément grâce à des éléments radioactifs que la vie a pu apparaître sur terre (une future tribune de Thierry peut être?) alors cessons d'associer les mots "nucléaire" et "mort", ça n'a pas forcément de sens.
"Oui, mais finalement , tout ça n'est pas si grave , ce ne sont que des mots!" Mais justement ce qui est grave , c'est de me donner de faux arguments pour appuyer une thèse: comment puis-je alors croire ce qu'on me raconte si on emploie le mot "ancien" pour dire "nouveau" , "gauche" pour dire "droite" et réciproquement ?
Deuxièmement, ces organisations et plus généralement les médias de tout bord se sont rendus spécialistes de l'utilisation de fausses nouvelles, faisant ainsi naître la rumeur, pire ennemi de la réflexion : on fait appel ici aux plus bas instincts de l'homme pour accréditer une thèse. Or toute personne raisonnable sera d'accord pour reconnaître qu'une thèse est d'autant plus défendable que les arguments qui la fondent sont rationnels et tirés de faits réels et objectifs et non pas de "on dit".
Prenons un exemple : un incendie se produit sur un bâtiment de direction d'une centrale nucléaire , incident qui n'a rien à voir avec le coeur nucléaire de la centrale , et bien vous pouvez être sur que la plupart des médias relayeront ce fait qui n'aurait intéressé personne s’il s'était passé sur un autre site industriel. Pire , le plus souvent , certains médias (pas toujours scrupuleux quand il s'agit du problème nucléaire) laisse planer le doute sur le fait que l'accident se soit produit ou non dans le coeur et lorsque des preuves ont été amenées montrant la non gravité de l'incident, ces mêmes médias ne prennent jamais le soin de faire publier un démenti crédible sur les propos qu'ils ont pu tenir . C'est de la malhonnêteté intellectuelle et de la manipulation d'opinion . Ces organisations jouent sur le fait que le danger lié au nucléaire a une plus forte charge émotionnelle que d'autres dangers (liés à l'effet de serre, à la diminution de la couche d'ozone par exemple... Qui éteint sa lampe en se disant: "je vais réduire l'effet de serre ?" Personne !) : ainsi à moindre frais , l'opinion rallie une position idéologique "antinucléaire" sans finalement bien savoir ce qui est dangereux de ce qui ne l'est pas dans tout ça. On en reste à l'intuition primitive du danger à laisser de tels outils aux mains de savants fous, sans bien chercher à savoir s’il s'agit de cela dont on parle quand on évoque le problème de l'énergie nucléaire.
Là dessus l'opinion est bien versatile et devrait réfléchir à 2 fois avant de se faire manipuler (et donc se faire prendre pour un idiot) . Les mêmes arguments fondés sur des peurs irrationnelles ont conduit en occident et en URSS à crier hourra à la possession de l'arme atomique pour se sentir moins vulnérable face à d'autres pays. Et ce fut bien le cas en France avec un soutien inconditionnel au général De Gaulle qui a crée le CEA (commissariat à l'énergie atomique) aux seules fins de posséder l'arme nucléaire pour faire valoir le rang de grande puissance de la France auprès du reste du monde. Là encore , les arguments plus rationnels des scientifiques comme Joliot Curie n'ont pas été écoutés à l'époque parce que le sensationnalisme de la guerre froide était plus facile à entendre. On serait bien aviser de ne pas céder aux mêmes démons avec la propagande actuelle antinucléaire qui sans avoir totalement tort sur le fond (la critique est salutaire encore une fois)se trompe fondamentalement en masquant la réalité telle qu'elle est : nuancée, c'est à dire ni parfaite, ni catastrophique non plus .
Les scientifiques sont les premiers à reconnaître aujourd'hui les erreurs passées et les problèmes posés par le nucléaire alors pourquoi ne pas écouter leurs arguments avant de condamner sans réflexion le nucléaire ?
" Mais alors , finalement qui a raison , qui a tort ?" Personne. Il n'existe pas de réponse unique aux délicats problèmes énergétiques. En tout cas , il est bon de se forger une opinion sur des faits concrets et de ne pas céder à des peurs irrationnelles qui renvoient l'humanité à ses plus bas instincts.
Je vous propose donc de lire la suite de cette tribune le mois prochain . Je
tacherai de vous faire comprendre les détails plus techniques de la fission
nucléaire pour répondre calmement aux questions brûlantes
: "les centrales nucléaires sont elles sures ?" , "doit on poursuivre
dans la voie du nucléaire ou au contraire oublier tout cela au plus vite
et faire comme si l'on n'avait jamais rien su de cette découverte ?"
Références:
pour en savoir plus...
Quoi ? Tout ça ? ... Oui, dès qu'on met les mains dans
le camboui des politiques énergétiques, il n'est pas inutile
de lire, de relire et de relire encore pour avoir une vision que je souhaite
la plus équilibrée et la plus réaliste possible sur
un sujet délicat où le politiquement correct fleurte
bien souvent avec l'aveuglement industriel .
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Articles et dossiers de presse
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Pour la Science, Dossier Hors Série, octobre 1996 : Noyaux atomiques
et radioactivité
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Sciences et avenir, Dossier, août 1995 : De Hiroshima à
Mururoa, La Bombe, 50 ans de dissimulation
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Sciences et avenir, Dossier, décembre 1995 : Pays de l'est :
situation explosive
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Clefs revue du CEA, N°40, automne 1998 : Le programme Phébus
PF
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Clefs revue du CEA, N°40, automne 1998 : Aïda/mox : pour une
utilisation civile du plutonium militaire en Russie
-
Clefs revue du CEA, N°45, automne 2001 : la physique nucléaire et la sureté
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Livres
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Que sais je ? PUF , Paul Reuss, L'énergie nucléairedisponible
au CDI
-
Essentiels Milan , Dominique Armand, Le nucléaire: progrès
ou danger ? disponible au CDI
-
Thierry Salomon et Stéphane Bedel, La maison des [néga]wattsdisponible
au CDI
-
Roy Lewis Pourquoi j'ai mangé mon père
-
Documents en ligne
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Informations générales, signées EDF, concernant les
centrales nucléaires
lire
-
Rapport commandé par le sénat sur l'avancée des travaux
de recherche concernant l'avenir des déchets nucléaires.
lire
-
Rapport commandé par l'assemblée nationale sur le démantelement
de la centrale de superphénix.Tome I.lire
Tome I
et Tome II. lire
Tome II
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Informations générales concernant les surgénérateurs
type superphénix, site personnel très riche.
lire
-
Texte de loi de Décembre 1991 concernant le traitement des déchets
radioactifs.
lire
-
Partie législative du code de l'environnement daté de 1998
venant remplacé la loi de 1991.lire
-
L'énergie nucléaire en 110 questions, site du ministère
de l'industrie. lire
-
site de l'AFIS sciences et pseudo sciences
avec 3 dossiers instructifs : "centrales nucléaires", "Tchernobyl",
"Joliot Curie et la bombe. accéder au site
de l'AFIS
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Dossier sur le nucléaire , signé Grennpeace : un contre pouvoir
à écouter ...et à critiquer rationnellement : c'est
le but de cette chronique.
lire
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